Xu Xiaodong, pratiquant de MMA[1] et promoteur, choisit, pour  faire de la publicité pour sa personne et sa discipline, de jouer la carte de la provocation en insultant les maitres d’arts martiaux traditionnels. Selon lui, ces disciplines seraient totalement désuètes et inutiles et ceux qui les enseignent, en tant qu’arts martiaux, seraient des « charlatans ». Pour prouver ses dires, le provocateur à la langue bien pendue lance le défi aux maîtres et se prétend capable de battre n’importe lequel d’entre eux. Au mois d’avril 2017, Wei Lei, maître de Taï Chi, relève le défi. S’ensuit un combat d’à peine plus de quinze secondes, au cours duquel Wei Lei est mis au sol et roué de coups. En dépit de la courte durée de ce combat, s’ensuit un long et interminable débat, entre défenseurs de la tradition et aficionados des sports de combat modernes. Les uns affirment qu’il n’y avait pas de comparaison à faire entre le Taï Chi et le MMA, à cause de leurs différences et leurs objectifs, pendant que d’autres exhibaient cette vidéo comme preuve authentique de leur vision des choses et se moquer du pauvre Wei Lei, dont les excuses n’ont pas vraiment aidé les traditionnalistes à défendre leur cause : « « j’ai glissé parce que j’avais des chaussures neuves »,  « je n’ai pas gagné car cela aurait apporté une “discordance” dans ma vie »,  « je me suis retenu car j’aurais pu le tuer si j’avais été au maximum »

L’association chinoise des arts martiaux condamne ouvertement cet événement, en grande partie à cause du fait qu’il y avait de l’argent en jeu, ce qui est totalement contraire à leur éthique. Les « modernistes » doivent y voir dans cet argument un déni  et une piteuse façon de masquer « l’obsolescence » et la « désuétude » des arts traditionnels. Les disciples des arts traditionnels se demandaient, eux, si Wei Lei était la bonne personne pour représenter le Taï Chi.

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Suite aux provocations répétées de Xu Xiaodong, Lu Xing, un autre maitre de Taï Chi a déclaré vouloir donner « une leçon d’humilité » à cet arrogant. Un nouveau combat était organisé, mais a finalement été interrompu par l’arrivée de la police, en raison de sa clandestinité.

http://www.lemonde.fr/big-browser/article/2017/06/29/lutteur-de-mma-contre-maitre-du-tai-chi-le-combat-qui-attise-le-debat-sur-les-arts-martiaux-traditionnels_5153135_4832693.html

Devant la pauvreté du débat et la position de certains, j’avais d’abord préféré ne rien dire et faire comme si je n’avais pas remarqué cet événement. Mais la réflexion m’a amené à écrire cet article et à proposer un autre point de vue sur l’efficacité des arts martiaux traditionnels, car c’est bien de ça qu’il est ici question.

 

Qu’est-ce qu’un art martial ?

L’adjectif martial vient tout simplement de « Mars », le dieu romain de la guerre. Un art martial est donc un art du combat. Dans le langage courant, les occidentaux ont tendance à appeler « arts martiaux » les disciplines asiatiques et « sports de combat » les disciplines occidentales. Or, il n’y a sémantiquement pas de différence entre « art martial » et « sport de combat ». Les mots sont différents mais évoquent exactement la même chose. En revanche, les japonais ont un mot à la signification bien différente pour nommer leurs arts martiaux : Budo[2] peut se traduire par « La voie pour arrêter la lance ». La signification est tout à fait différente et donne une vision plus défensive et pacifiste que la référence occidentale à un dieu de la guerre. Le mot chinois Wushu signifie plus ou moins la même chose, étant donné que « Wu » et « Bu » ont la même racine idéographique. Cette différence significative en dit déjà long sur la différence fondamentale entre l’approche occidentale et orientale des arts martiaux. Les occidentaux n’approchent leurs disciplines que par le biais de la pratique du combat, tandis que les chinois et les japonais, dans leur forme traditionnelle, ne séparent pas l’enseignement de leurs techniques d’un enseignement moral, voire philosophique et spirituel.

Ceux qui voient les choses sous forme de compétition me répondront que cette différence n’empêche pas la comparaison,  que cela ne diminue en rien l’importance de savoir quelle discipline est meilleure et plus efficace que l’autre. Je trouve cette façon de concevoir les choses puérile, dans la mesure où ces gens se demandent, ici, qui est le plus fort entre le judoka et le boxeur, celui qui fait du MMA et celui qui fait du Kung Fu, de la même manière qu’on se demandait, étant enfant, qui est le plus fort entre le requin et le crocodile ou entre Terminator et Batman.

Chaque art martial est un système. Ou plutôt, un outil qui a été pensé pour répondre à des besoins, qui a été crée dans tel ou tel contexte et est le fruit d’une certaine quantité d’expériences individuelles ou collectives. Lors de mes recherches et mes réflexions philosophiques, j’ai souvent tendance à m’opposer à l’idée de « système philosophique », car j’ai du mal à croire en la possibilité d’atteindre l’exhaustivité, pour un individu ou un groupe d’individus. En ce sens, je m’oppose aussi à la possibilité qu’un art martial puisse être exhaustif, qu’il puisse répondre à tous les besoins en toutes circonstances. D’ailleurs, les grands maîtres ont toujours étudié plusieurs disciplines, avant de créer la leur. En ce domaine, je reconnais au MMA le mérite de faire de la polyvalence un de ses principes fondamentaux. Là, j’arrive à l’un de mes principaux arguments, la comparaison des disciplines martiales est, sinon absurde, incroyablement complexe. Cela revient au même que de comparer des outils, en dehors de leurs contextes respectifs. Autrement dit, c’est comme si deux bricoleurs se demandaient quel est le meilleur des outils, entre le marteau et la scie, sans préciser si c’est pour planter un clou ou couper des branches.

 

Contexte et Ma-aï

Prenez deux individus, donnez à l’un une règle, à l’autre un rapporteur, à chacun un crayon et une feuille. Demandez d’abord à ces deux personnes de dessiner un angle ouvert à 48 degrés. Celui qui a le rapporteur fera son exercice avec plus de rapidité et de précision que celui qui a la règle. De là, les gens déduiraient que le rapporteur est un meilleur outil que la règle. Demandez maintenant aux deux individus de dessiner un polygone ayant telle et telle dimension. Celui qui a la règle aura réussi cet exercice avec plus de rapidité et de précision que celui qui a le rapporteur. Conclusion, on ne peut juger de l’efficacité et de l’utilité de chaque outil qu’en fonction de contextes. Il en va de même pour les arts martiaux. On ne peut les juger que par rapport au contexte dans lesquels ils sont efficaces ou non. En Karaté et en Aïkido, il arrive d’entendre les pratiquants parler de Ma-aï, pour désigner la distance entre deux combattants. Mais le Ma-aï est un concept qui englobe, non seulement la distance, mais aussi l’environnement qui entoure les combattants. Le pratiquant ne doit pas veiller qu’à la distance entre lui et son partenaire, pour agir de manière efficace, mais aussi aux choses qui l’entourent : le sol, les murs, les obstacles, les autres individus. Avoir conscience du Ma-aï, ce n’est pas seulement s’assurer de partir de la bonne distance pour exécuter correctement sa technique, c’est aussi rester attentif à ce qui se passe autour de soi. Ainsi, dans un dojo, il est préférable, pour un pratiquant, de ne pas projeter son partenaire en direction d’un autre binôme ou d’un autre groupe ou simplement d’arrêter son déplacement avant de télescoper son voisin, afin d’éviter de regrettables accidents. Que ce soit dans un Dojo ou un gymnase, la plupart des arts martiaux proposent des entraînements et une pratique dans un environnement qui est, en réalité, bien aseptisé. Sol plat et la plupart du temps mou, sans obstacle dans lequel se cogner ou se prendre les pieds… En ce sens, que ce soit dans le MMA ou en Taï Chi, les entraînements se font dans un contexte déjà bien éloigné de la « réalité ». Pour juger de leur efficacité dans la « réalité », il aurait déjà fallu organiser plusieurs combats dans différents contextes : sol plat, sol glissant (gravier ou verglas), sol boueux, escarpé, escaliers, couloir, pièce remplie de tables et de chaises, en équilibre sur une poutre… Et encore, cela n’aurait pas été suffisant pour juger quoi que ce soit. Quand j’ai été initié au combat Viking, les membres de la troupe Odin Folgesvenner aimaient bien me raconter à quel point ils s’amusaient, quand ils voyaient d’autres troupes trébucher en se prenant les pieds dans les mottes de terre ou perdre leur équilibre en essayant d’esquiver ou de parer les coups. Signe flagrant d’une trop grande habitude à s’entraîner dans une salle au sol bien plat et sans dénivelé et ne pratiquant pas assez en pleine nature. Aussi doué et efficace que puisse être un pratiquant de MMA, saurait-il, en toute circonstance, reproduire chacune de ses techniques dans la rue, sous la pluie, sans glisser ni trébucher sur le trottoir ? Si dans ce même contexte, un lutteur chez qui il y a beaucoup de verglas en hiver et donc habitué à marcher sans glisser sur le trottoir, parvient à rester debout plus longtemps, et donc à ramener plus vite au sol le pratiquant de MMA, cela voudrait-il dire que la lutte gréco-romaine serait plus efficace que le MMA ? Le sens de l’équilibre, la conscience des choses qui nous entourent et l’attention portée à son environnement dépendent uniquement du sérieux que met le pratiquant dans son entrainement et de ses propres habitudes. Cela n’est en rien imputable à son choix d’étudier telle ou telle discipline. De plus, comparer les différentes disciplines en fonction de la prestation de leurs représentants consiste à faire un gros amalgame. En effet, cela sous-entend que certains individus incarnent leur discipline. Un karatéka n’est pas le karaté, il a un karaté. En aïkido, même un Shihan[3] n’est pas l’aïkido, il a un aïkido. Bien que le sien ressemble comme deux gouttes d’eau à celui d’O Senseï, cela reste malgré tout son aïkido et non pas l’aïkido, aussi orthodoxe soit sa technique. Derrière le fantasme d’incarner sa propre discipline, c’est aussi chercher quelque part un moyen de se dédouaner de sa propre responsabilité, dans ses propres échecs, en tentant de se faire croire que nous n’aurions pas choisi la bonne discipline, que nous aurions dû prendre une meilleure.

 

Qu’entend-on par « Réalité » ?

Dans les discussions entre pratiquants, au sein des différentes disciplines, la question de « l’efficacité » se pose légitimement. Mais dans l’état d’esprit de compétition ambiant dans lequel nous vivons actuellement, ceux qui prêchent pour leur paroisse et veulent prouver la supériorité de leur discipline sur les autres, amènent toujours leurs arguments dans un contexte particulier qu’ils nomment « Réalité ». Il existe sur Youtube un certain nombre de vidéos d’adeptes de MMA, montrant des exercices d’Aïkido et de Taï Chi agrémentés de « Bullshit » ou de « Fantasy », écrits en grosses lettres sur l’écran, puis des vidéos de combats MMA portant la mention de « Reality ». Sans m’attarder sur le fait que prétendre saisir et décrire la réalité à partir d’un seul contexte, sans mentionner l’infinité d’autres possibilités qui la constituent, est une supercherie et une malhonnêteté intellectuelle, il me semble important de préciser qu’un entrainement de MMA ou un affrontement dans une cage octogonale est tout aussi fictif qu’un exercice d’aïkido. Lorsqu’on regarde des vidéos de stages de Self Defense ou de Krav Maga et qu’on entend l’enseignant dire : « En théorie, tel ou tel enseignant vous apprend ceci ou cela. Dans la réalité, il se passe ceci et cela… » Il faut bien garder à l’esprit que l’enseignant ne montre pas plus de « réalité » qu’un autre, sous prétexte qu’il a utilisé ce terme. D’ailleurs, les professeurs de Self Defense qui basent leur entrainement sur des mises en situation et qui sont honnêtes envers eux-mêmes et leurs élèves, reconnaissent qu’une mise en situation n’est qu’une mise en situation et ne peut en aucun cas représenter la « réalité ». Les bons maîtres se posent continuellement la question de l’efficacité de leur enseignement, sachant qu’ils ne pourront jamais totalement mettre leurs élèves en situation « réelle ». Ils savent qu’ils ne peuvent, au moins, que tenter de s’en rapprocher un maximum, à moins de les mettre volontairement en danger et de délibérément leur nuire. Malgré la violence d’un combat MMA, chaque pratiquant sait qu’un arbitre est présent et mettra fin à l’affrontement, avant que les choses ne dégénèrent et ne deviennent trop dangereuses. Malgré le peu de compassion que ces athlètes peuvent avoir les uns envers les autres, cette différence ne peut en aucun cas être négligée, dans la comparaison avec un combat de rue sans arbitre, ni tierce personne impartiale pour vous secourir.

 

Et dans tout ça, pourquoi je continue l’aïkido ?

Comme je l’expliquais plus haut, chaque art martial est un outil cherchant à répondre à certains besoins dans un contexte particulier. Par exemple, une situation de combat dans un couloir ou un milieu exigu favorisera d’avantage ceux qui pratiquent des disciplines de combat plus rapproché, comme le Wing Chun, par rapport à des pratiquants habitués à effectuer des mouvements amples et à avoir de longues allonges. Le combat au sol comme le Jujitsu brésilien aurait plus d’avantages sur un sol glissant… C’est de cette manière qu’il devient judicieux de comparer les différentes disciplines et c’est en réfléchissant à la situation  qui est la plus probable de m’arriver, mais pas que, que je me suis intéressé à l’aïkido. En plus d’un certain nombre de techniques martiales et physiques, l’aïkido propose aussi un enseignement moral dans lequel je me retrouve et une véritable réflexion philosophique sur le pacifisme, que je trouve tout à fait cohérente.

Pour ce qui est du contexte, par rapport à mon quotidien et là où je vis, si je dois être amené à affronter quelqu’un qui me voudrait du mal, il est plus probable qu’en calmant quelques ardeurs et mettant fin à quelque malentendu, j’ai de grandes chances de mettre fin à la situation sans avoir eu recours à la violence physique. Mais si violence physique il y a, des techniques basées sur le non recours à la force augmentent mes chances d’avoir une réaction proportionnelle, pour respecter la loi, mais plus important encore, d’éviter un maximum que des personnes soient blessées, moi y compris. Habitué à discuter avec des personnes aux idées politiques et à la vision du monde bien arrêtées, je devine déjà ce qui peut m’être rétorqué par certains adeptes de Krav Maga ou de MMA, me disant que je vis dans un monde de Bisounours, que si « je n’écrase pas, c’est moi qui me fait écraser ». J’ai l’habitude de répondre à ces gens là que si je vis dans un monde de Bisounours, eux vivent dans un monde de Power Rangers ou de GI Joe. Que dans la « réalité », comme ils aiment bien dire, les policiers ne rencontrent pas de psychopathes ou de tueurs en série à tous les coins de rue, comme il semble être le cas dans des séries comme « Hannibal ». J’ai choisi l’aïkido car les réponses qu’il apporte dans un type de contexte me satisfont et que je ne suis pas naturellement quelqu’un d’agressif et que je n’ai pas envie de le devenir.

Pour ce qui est du Krav Maga, je rappelle que c’est un art martial israélien et que ce pays est actuellement en guerre. Quoi que je puisse penser de la politique actuelle de son gouvernement, je trouve logique qu’une discipline comme le Krav Maga apparaisse, puisqu’elle est née d’un besoin de former rapidement des militaires et des policiers, qui peuvent se retrouver face à des personnes déterminées à les tuer. Je trouve qu’y a une très nette différence, entre vivre dans un pays en paix, où l’on a plus de chance de rencontrer quelqu’un à l’alcool un peu mauvais et qui a juste besoin d’être calmé et être dans un pays en guerre et risquer de croiser quelqu’un qui, tant qu’il respirera, cherchera un moyen de vous nuire ou de vous tuer. Je peux tout à fait comprendre le besoin, pour des policiers ou des militaires, d’être initiés à de telles techniques, étant donné la plus forte probabilité, pour eux, de se retrouver face à ce cas de figure. Néanmoins, je ressens un profond malaise, en regardant certaines vidéos de démonstrations ou de stages, en voyant les pratiquants simplement appliquer les consignes, et même dans les explications de l’enseignant. J’y ressens assez régulièrement une certaine forme de sadisme, un plaisir dans la capacité à faire mal et à blesser de manière assez conséquente son partenaire. Mon maître d’aïkido aime bien répéter, qu’il est à la portée de n’importe quel imbécile de savoir faire mal. Par contre, effectuer de manière efficace l’exercice demandé, sans blesser et tout en conservant, pour votre partenaire, le plaisir de pratiquer avec vous, ça demande de la concentration et du travail.

Pour le MMA, enfin, le documentaire « The Hurt Business » montre très bien qu’en dépit de son image résolument moderne et sa prétendue nouveauté, il puise son origine dans des pratiques ancestrales, comme le Pancrace[4] dans la Grèce antique. Il est aussi né d’une volonté de mélanger plusieurs disciplines déjà existantes, afin d’obtenir un répertoire de techniques polyvalentes, dont le Jujitsu, qui est un art ancestral et traditionnel. L’arrogance de Xu Xiaodong vis-à-vis des arts ancestraux est donc la preuve d’une inculture, puisque sa discipline doit son « efficacité » à l’étude des arts traditionnels. Elle ne serait donc rien sans eux. Mais surtout, le MMA a été crée dans le but d’offrir un véritable spectacle, en guise de compétition, où les affrontements se rapprocheraient le plus de combats de rue. Néanmoins, la cage octogonale, l’arbitre, les projecteurs, les caméras et les gradins  éloignent déjà assez, je trouve, du contexte de la rue. De plus, l’UFC, sa principale fédération, en fait un véritable business dont les principaux membres en tirent de juteux bénéfices. L’un des premiers besoins auquel le MMA répond est de faire du spectacle, pas d’offrir un outil de réflexion sur les différentes manières de réagir dans le quotidien. De plus, il est important de se rappeler que la plupart des gens se tournent vers les arts martiaux, dans un souci de se préserver face à un danger. Le documentaire insiste plutôt, vers la fin, sur les problèmes de santé que rencontrent ces « gladiateurs des temps modernes », à cause de leur pratique et fait aussi références aux recherches qui sont actuellement menées sur les commotions et les séquelles irréversibles causées par les KO à répétition. Drôle de manière de se préserver, je trouve, à s’esquinter autant la santé.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19565657&cfilm=248772.html

L’un des reproches que je ferais aux arts martiaux occidentaux, c’est qu’en ne portant l’attention uniquement sur les techniques de combat, sans enseignement moral derrière, cela a tendance à faire oublier aux pratiquants, surtout aux plus jeunes, qu’une tension sociale, que le comportement agressif  d’un autre ne se règle pas par des coups et des blessures. Tous les enseignants de Karaté, de Judo, de Kung Fu ou d’Aïkido diront que le meilleur des combats est celui qu’on a évité. Mais je me réjouis aussi de savoir que les plus sérieux et les plus scrupuleux des professeurs de Boxe, de Lutte et de tout autre sport de combat, se donnent la peine de rappeler régulièrement cet aspect fondamental à leurs élèves. Avant de vouloir vaincre l’agressivité de l’autre, il est fondamental de commencer par vaincre sa propre agressivité. Maitre Ueshiba aimait rappeler à ses élèves que la plus grande victoire, c’est quand on a réussi à vaincre l’ennemi qu’il y a en nous-mêmes. La  « réalité », quoi qu’en pensent ceux qui se targuent de la connaitre, n’est pas entièrement une chose immuable indépendante de notre volonté. C’est une chose qui se construit progressivement dans notre conscience et en conséquence, aussi, de nos propres actes. Ainsi, dire que le monde est ceci ou cela, c’est déjà agir sur le monde extérieur en y projetant une partie de notre propre réalité intérieure.

 

Conclusion :

Je finirais donc en insistant sur le fait que la comparaison des différentes disciplines martiales est un exercice difficile et périlleux. Par contre, en alternative à l’état d’esprit de compétition ambiant, je propose d’approcher la question de l’efficacité des arts martiaux en posant le problème autrement. Franck Ropers, grand maitre français de Pencak-Silat, défend l’idée que tous les arts martiaux ont énormément à gagner à apprendre les uns les autres et à apporter chacun sa pierre à l’édifice. Je trouve cette idée préférable à celle qu’il faille faire affronter tous les arts martiaux pour savoir lequel est le meilleur. Car je soutiens l’idée que personne n’est en mesure d’apporter une vision exhaustive des choses et que l’on sort d’avantage grandi, en multipliant les expériences, en essayant de se mettre à la place de chacun pour explorer un maximum de perspectives. Il n’y a que de cette manière que des arts martiaux pourront prétendre à une « efficacité ». Je ne dis pas non plus qu’il faille continuellement piocher à droite à gauche, car ceci n’apporte que de la superficialité et aucune progression dans la pratique. Il vaut mieux choisir une discipline, s’y tenir et tenter de s’y spécialiser, tout en s’intéressant, régulièrement, à ce qui se fait à côté et à parfois essayer de pratiquer d’autres techniques avec d’autres personnes, de manière à explorer de nouvelles perspectives. C’est pour cette raison que je souhaite continuer l’Aïkido, parce que c’est celle-ci que j’ai commencée, il y a maintenant deux ans, et que je souhaite aussi avoir l’occasion d’aller parfois assister à des entrainements de Systema et de Wing Chun, deux autres disciplines qui me passionnent tout autant.

Je me doute bien aussi que ma vision du MMA et du Krav Maga puisse être limitée ou erronée en certains points. Le fait est que je ne connais que trop peu de pratiquants de ces disciplines avec qui je peux amplement discuter de ces aspects là. Néanmoins, j’ai tenu à faire part de ces impressions pour justement attirer l’attention d’éventuels pratiquants qui passeraient par là. Je serais ravi d’avoir vos réactions sur ce sujet et d’avantage m’expliquer de quelle manière vous approchez votre propre pratique et qu’est-ce qui vous est enseigné lors de l’entrainement.

[1] Arts martiaux mixtes (Mixed martial arts) https://fr.wikipedia.org/wiki/Arts_martiaux_mixtes

[2] Chris Peytier : De l’Aïkido au Systema, Page 27. Edition Guy Trédaniel.

[3] Grade attestant de l’authenticité de l’aïkido du pratiquant et de sa conformité avec l’enseignement du fondateur.

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Pancrace

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